Il est toujours surprenant de constater à quel point nous avons tendance à réduire le monde en solutions binaires, réduisant ainsi les possibilités dans des relations bivalentes (“ou”) au lieu de relations complémentaires (“et”). Il en est de même dans la façon dont nous décidons des solutions envisagées. Au cours du chapitre précédent, nous avons vu la manière de générer des idées en évitant d’émettre des jugements. Or, il est commun qu’après cette phase de génération d’idées, les personnes tendent à évaluer et à juger les idées de manière binaire (c’est juste ou c’est faux).

Dans ce chapitre, vous découvrirez les quatre principes de la décision à respecter, ça vous aidera à éviter de vous perdre dans ce processus ou regarder les solutions de façon binaire. Vous apprendrez quelle visualisation utiliser pour dessiner vos idées et les communiquer plus facilement aux personnes impliquées dans votre projet. Enfin, vous saurez comment aller à l’essentiel pour choisir une solution appropriée pour votre projet. La mise en pratique d’un exercice d’évaluation vous permettra de décider efficacement la solution appropriée pour la mise sur le marché de produits ou services finalisés.

 

Les 4 principes de la décision

 

  1. Ayez un jugement affirmatif

Cherchez d’abord les forces ou les points positifs d’une idée. Pour ce faire, lorsque vous identifiez les limites de cette dernière, évitez les phrases qui l’avortent prématurément. Énoncez plutôt vos préoccupations sous forme d’autres questions encourageant à continuer le développement ou l’affinement des idées. Par exemple, commencez l’énoncé en vous demandant « Comment faire pour… ? » ou « Comment pourrais-je… ? ». Ces questions devraient vous aider à réfléchir davantage aux idées plutôt que de les écarter. L’évaluation et la prise de décision sont des processus d’amélioration de vos idées, et non pas
juste des moyens de les critiquer.

2. Utilisez une démarche systématique

Trop souvent, nous pensons qu’évaluer et/ou décider doivent être des processus objectifs. Au contraire, il est impossible de le faire sans y incorporer des aspects émotionnels, autrement dit, de la subjectivité. Cela est d’autant plus vrai si l’on procède sans une démarche structurée. A cet effet, nous vous proposerons quelques outils que vous pouvez utiliser dans la phase de convergence. Utilisez ces outils ou inventez-en d’autres. Si vous travaillez en groupe, communiquez et partager votre démarche d’analyse et de décision avec les personnes avec lesquelles vous travaillez sur votre projet. Ainsi, vous favorisez un regard complémentaire sur votre démarche d’analyse, une évaluation pertinente et l’adhésion de l’équipe.

3. Détectez la nouveauté

Il est tentant d’éviter la prise de risque et de se tourner vers une idée mainstream, une solution en adéquation avec ce que la majorité des gens adopterait. Les idées sont extrêmement émotionnelles, elles possèdent une forte dimension subjective (croyances, valeurs, intérêts, etc.). En apportant un regard actif sur la nouveauté pour la détecter, vous pouvez créer des solutions à forte valeur ajouté et qui font la différence. Le meilleur moyen pour y parvenir est d’impliquer autant des personnes pouvant apporter un regard expérimenté que d’autres, apportant un regard nouveau à votre projet.

4. Gardez le cap de vos objectifs

Lorsque nous cherchons de nouvelles idées, il est facile de se laisser porter par l’enthousiasme et de perdre de vue l’objectif final, le but à atteindre. À cet égard, le cahier des charges (voir chapitre 1) pourra vous servir de boussole dans votre avancement et fonctionnera comme un moyen d’évaluation des solutions pour atteindre votre objectif. Il se peut également qu’au fur et à mesure de l’avancement de votre projet, votre objectif initial nécessite une correction. Générer des idées est un acte rempli d’aléas. Il ne s’agit pas d’une route droite toute tracée, et c’est bien là que réside l’enjeux.

 

Dessiner pour décider

Face à des problèmes d’envergure où souvent plusieurs personnes interagissent et viennent parfois de différentes cultures et croyances, il est essentiel d’avoir un langage universel pour les résoudre, un simple dessin est le meilleur moyen. Il permet de comprendre un problème et sa solution plus rapidement, plus intuitivement et de le communiquer plus efficacement aux personnes avec qui vous collaborez. Matérialisez vos pensées sous des formes diverses, il pourrait s’agir par exemple de visuels, de prototypes, ou d’histoires racontant une expérience. Nous recherchons ici l’effet saute aux yeux.

Trois niveaux de visualisation

Un prototype vaut mille mots, et la meilleure manière de découvrir le
potentiel véritable d’une idée est de la matérialiser. Pour donner forme à l’intangible (les idées), vous pouvez utiliser trois niveaux rendant l’idée plus concrète et compréhensible :

schéma représentant les trois niveau de prototypage

Créer des prototypes permet de découvrir l’attractivité de chacune de vos solutions. Ainsi, cette étape d’affinement vous permet d’obtenir une collection de solutions. Toutefois, pour que les solutions puissent être évaluables, vous devez garder le même référentiel (la même façon d’illustrer votre solution). Ainsi vous aurez des solutions comparables entres elles et la décision sera plus objective.

Six façons de visualiser les idées

Dans le premier chapitre, nous avons abordé les six questions fondamentales, appelées communément la méthode QQOQCCP. Pour représenter une idée, Dan Roam propose dans son livre Convaincre en deux coups de crayon, six façons différentes de l’illustrer : design, diagramme, carte, chronologie, logigramme et graphique. Une fois assemblés, cela donne le résultat suivant :

Un exemple

Imaginez que vous souhaitez créer une future application mobile. Pour le logo de l’application, vous allez dessiner un design (le Quoi). Pour déterminer son prix, vous allez dessiner un diagramme (le Combien). Pour illustrer l’expérience utilisateur, vous allez dessiner une chronologie (le Quand). Enfin, pour expliquer le fonctionnement informatique de l’application, vous allez présenter un logigramme (le Comment).
Prenez une feuille et un crayon et dessinez votre idée maintenant. Votre visuel ébauche devrez prendre environ trente minutes, vous pourrez revenir dessus pour l’améliorer par la suite. Surtout, illustrez votre idée simplement.

Simplifiez vos idées : trois façons d’y arriver

Parfois pour faire, il faut commencer par défaire. Dans son livre De la simplicité, le designer John Maeda explique l’importance de  soustraire ce qui est évident et d’ajouter ce qui a du sens. Quand vous devez décider d’une solution à implémenter, vous devez aller à l’essentiel pour que votre solution soit comprise par les invididus ou le groupe à qui elle s’adresse. Cependant, simplicité ne signifie pas simpliste. Ce n’est pas parce que c’est simple (par exemple au niveau de l’usage) que c’est le cas au niveau technologique.

La difficulté n’est pas – a priori – comment simplifier mais plutôt à quel point simplifier. La frontière entre simple et complexe n’est pas aisée. Procédez par étape. Une fois que vous avez illustré vos idées, rendez-les plus simple et plus pertinente en procédant en trois étapes :

Atténuer : En ôtant les éléments superflus d’une solution, nous induisant un plaisir inattendu et une impression que celle-ci est plus pertinente. Allez à l’essentiel pour optimiser votre décision.

Masquer : Une fois ôté ce qui peut l’être, nous pouvons masquer la complexité. Ce qui procure un sentiment de simplicité.

Insuffler : En enlevant ou en cachant des fonctionnalités, l’objet ou la solution simplifié peut perdre de sa valeur. En insufflant de la qualité, vous pouvez mettre en avant sa valeur première et vous démarquer des autres.

Analyser sans détruire : quatre questions stratégiques

Vous connaissez peut-être des méthodes d’analyse, telles que SWOT (en français FFOR pour Forces, Faiblesses, Opportunités, Risques). Contrairement à d’autres méthodes, PPCo offre les avantages d’éviter un jugement négatif et offre une approche itérative. Les idées que vous avez développées peuvent maintenant être analysées sur la base de quatre questions.

Pour y arrivez, réunissez votre équipe, demandez-leur de noter sous chaque illustration, les réponses à ces quatre questions :

  • Plus : Quels sont les avantages directs du concept ou de l’idée
  • Potentiels : Quels sont les retombées positives potentielles ?
  • Concerns : Quels sont les risques ?
  • Option : Comment contourner ces risques

La quatrième question ouvre le champ de recherche d’idées (divergence) afin de contourner les risques. Après avoir répondu aux trois première questions, posez-leur comment il serait possible d’y parvenir. Cet exercice ne devrait pas prendre plus de 30 minutes – après ce délai, vous risquez de tourner en rond.

Évaluer les idées

Étant donné que les idées sont très émotionnelles, la plupart du temps, chacun les évalue selon son humeur ou ses croyances. Quand il s’agit de créer de nouvelles idées, vous ne pouvez pas laisser au hasard les critères de décision. Vous pouvez utiliser les critères de succès défini dans votre cahier des charges (c.f. chapitre 1) ou utiliser ces trois critères pour les solutions que vous avez imaginées :

  • Faisabilité d’une idée : ce critère vous informe sur la réalisation de l’idée (est-elle simple ?).
  • Durabilité d’une idée : ce critère vous informe sur la longévité (est-elle viable ?).
  • Désirabilité d’une idée : ce critère vous informe sur le carac- tère émotionnel (est-elle attirante ?).

La meilleure façon de définir si votre idée est solide, est d’impliquer les personnes qui vont être confrontées à cette idée (c.f. chapitre 1 : utilisateurs, clients, fournisseurs. Minimum 5 personnes). Pour ce faire, vous pouvez utiliser par exemple des gommettes ou un tableur en ligne. Cette évaluation donne le résultat statistique suivant :

  • Moyenne des idées : calcul de la moyenne des notes émises par les évaluateurs.
  • Polarisation des idées : calcul de l’écart entres les moyennes.

Certaines idées auront des polarisations élevées, ce sont celles qui sont le plus fortement appréciées ou détestées. Avec cette méthode vous démontrez qualitativement comment une idée est perçue (elle vous informe sur le combien l’idée est divergente, à quel point elle n’est pas mainstream)

Les sujets nouveaux et exploratoires produisent les idées les plus fortement polarisées (divergentes). Du point de vue de l’innovation, elles sont plus intéressantes que celles qui ont les plus hautes moyennes et une faible polarisation. Voici le résultat obtenu à la fin de ce processus d’évaluation (ce document est téléchargeable sur le site web de l’ouvrage) :

carte d’identité de l’idée – apprendre à décider

 

Évaluer n’est pas décider

Trop souvent en entreprise, de nombreuses séances sont organisées pour générer des idées, évaluer, analyser, en parler et rediscuter. Trop de temps est consacré à l’évaluation au détriment de la décision. Si vous êtes sur le point de prendre une décision importante pour votre projet, notre suggestion est de le faire le matin. En effet, des études ont démontré que plus la journée avance, plus nous prenons des décisions de manière impulsive.

Télécharger l’exercice 3

Conclusion

Ce que nous avons appris : dans ce chapitre, vous avez été sensibilisé au processus de décision. Vous avez appris comment matérialiser votre idée tout en sachant la mettre en valeur en toute simplicité. Enfin, vous avez appris et pratiqué comment évaluer efficacement une idée. L’exercice en fin de chapitre vous a aidé à prendre la décision ultime.

Dans le chapitre suivant, nous allons voir comment planifier efficacement l’implémentation de votre projet et comment le découper en petites actions que vous pouvez gérer de manière efficiente.